C’est toujours la même chose quand un artiste meurt. On ne sait jamais ce qu’il faut aller chercher au fond de soi pour vivre un peu moins mal cette nouvelle à la con. Des sons, des images, des émotions, des souvenirs, des rencontres ? Tout cela mélangé, sans doute.
Avec Alain Bashung, on pourrait aussi ouvrir le dictionnaire du laudatif. Plus grand, plus fort, plus haut, plus admirable, plus magnifique, plus extraordinaire, plus mieux, plus encore puisque affinités.
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Des textes, ici et ailleurs, à la beauté hermétique, à l’humeur noire, au sourire en cicatrice. De l’ironie, toujours. L’humour d’un certain désespoir sans doute. Et de la poésie qui mêle la trivialité des jeux de mots souriants et l'évocation de mondes intimes." Eric Libiot (L'Express)
Paris, lundi 6 janvier 1969, jour de relâche pour les artistes. Un petit appartement de la rive gauche, au premier étage d'un immeuble de la rue Saint-Placide… La pendule du salon marque 16h28 lorsque retentit un premier coup de sonnette : c'est Georges Brassens. 16h30, seconde sonnerie : Jacques Brel. 16h32 : Léo Ferré. L'affaire a été réglée comme du papier à musique ! Ponctuels au rendez-vous, les trois hommes - accueillis par François-René Cristiani et Jean-Pierre Leloir - sont visiblement ravis de se trouver réunis. Ferré en particulier, que l'idée d'une telle rencontre avait aussitôt séduit.
"Alors, qu'est-ce qu'on va bien pouvoir dire… comme conneries ?", plaisante Brel, en s'installant. Cristiani s'assied à sa droite, Ferré et Brassens à sa gauche. Leloir, qui est arrivé sur place dès 15 heures pour installer son matériel, tourne autour de la table… ronde, pour effectuer ses derniers repères. En attendant, Philippe Monsel - son assistant - immortalise la scène en photographiant les trois monstres sacrés et les deux journalistes…
Sur la table, des boissons et du tabac: de la bière pour tout le monde, des Gitanes pour Brel, des Celtiques pour Ferré, du tabac bleu pour Brassens; Cristiani (qui lui aussi fume la pipe) et sa femme Claudette ont bien fait les choses. Des micros, le magnétophone Uher du journaliste posé sur un guéridon et un autre magnéto avec un technicien, dans une pièce adjacente, pour recueillir des extraits qui seront diffusés - sur RTL - quelques jours plus tard.