La collaboration entre les disques Barclay et Léo Ferré correspond au sommet de la carrière du chanteur. Il parvient, à cette époque, à concilier deux statuts que tout oppose : il est à la fois le poète anarchiste, défenseur des causes perdues, forcément marginal et un auteur reconnu, presque établi, qui obtient même des succès commerciaux avec "Jolie môme", "Avec le temps" et "C'est extra". Léo Ferré est insaisissable: rock avec le groupe Zoo ("La the nana"), arrangeur et chef d'orchestre précis ("L'Espoir"), il chante "La Complainte de la télé" mais il y fait pourtant son numéro, pleurant à la commande chez Philippe Bouvard…
« Se demander si "on aime" Untel ou untel revient à s'interroger sur le plaisir qu'il nous procure. Avec Léo Ferré, il n'y a aucun doute possible : le plaisir est immense. D'abord un plaisir abstrait, cérébral. On est happé par le sens des mots. Puis une sensation plus physique qui est un effet du plaisir cérébral et qui parle au corps lui-même. Typiquement on appelle cela la jouissance. Et puis cet homme superbe à qui l'âge ne donne pas, comme on dit bêtement, une "éternelle jeunesse", mais une tonalité de liberté absolue, une grâce incomparable qui va bien au-delà de la vie et de la mort elles-mêmes. Léo Ferré a ce don extrême de dire des choses simples en révélant ses affects et ses expériences dont nous nous sentons les complices. C'est ce qu'[on] devrait montrer : ce complot d'affects, […] cette culture de la joie, cette dénonciation radicale des pouvoirs, ce glissement progressif vers un plaisir qui est le contraire de la mort. Ce que je peux exprimer bêtement par : j'aime Léo Ferré. Non parce qu'il est bête d'aimer Léo Ferré, mais parce que c'est dire bêtement une complicité qui peut mettre l'ordre en péril. Ferré est dangereux parce qu'il y a chez lui une violence (maîtrisée) qui s'appelle le courage de dire. Il perçoit partout, dans le monde, dans la vie individuelle, l'intolérable. C'est un homme de passion habité par la sérénité. C'est un plongeur de l'émotion qui utilise les mots comme des grains de sable dansant dans la poussière du visible. »Gilles Deleuze
Pour la première fois, l'histoire de l'amour fusionnel qui unit durant dix-huit ans Madeleine et Léo Ferré est racontée de l'intérieur, par la fille de Madeleine, qui partagea leur quotidien dès l'âge de 5 ans. Celle qui inspira « Jolie môme » à Léo Ferré, évoque la misère des débuts, le succès puis les dérives. Elle assiste à la création de plus de deux cents chansons et prend part à la passion dévorante du couple pour les animaux. …
Paris, lundi 6 janvier 1969, jour de relâche pour les artistes. Un petit appartement de la rive gauche, au premier étage d'un immeuble de la rue Saint-Placide… La pendule du salon marque 16h28 lorsque retentit un premier coup de sonnette : c'est Georges Brassens. 16h30, seconde sonnerie : Jacques Brel. 16h32 : Léo Ferré. L'affaire a été réglée comme du papier à musique ! Ponctuels au rendez-vous, les trois hommes - accueillis par François-René Cristiani et Jean-Pierre Leloir - sont visiblement ravis de se trouver réunis. Ferré en particulier, que l'idée d'une telle rencontre avait aussitôt séduit.
"Alors, qu'est-ce qu'on va bien pouvoir dire… comme conneries ?", plaisante Brel, en s'installant. Cristiani s'assied à sa droite, Ferré et Brassens à sa gauche. Leloir, qui est arrivé sur place dès 15 heures pour installer son matériel, tourne autour de la table… ronde, pour effectuer ses derniers repères. En attendant, Philippe Monsel - son assistant - immortalise la scène en photographiant les trois monstres sacrés et les deux journalistes…
Sur la table, des boissons et du tabac: de la bière pour tout le monde, des Gitanes pour Brel, des Celtiques pour Ferré, du tabac bleu pour Brassens; Cristiani (qui lui aussi fume la pipe) et sa femme Claudette ont bien fait les choses. Des micros, le magnétophone Uher du journaliste posé sur un guéridon et un autre magnéto avec un technicien, dans une pièce adjacente, pour recueillir des extraits qui seront diffusés - sur RTL - quelques jours plus tard.
"Le Testament phonographe" est une belle concession à tous les amateurs de la poésie et des chansons de Léo Ferré. Un " testament " qui rassemble ses beaux textes. …
"Le Testament phonographe" est une belle concession à tous les amateurs de la poésie et des chansons de Léo Ferré. Un " testament " qui rassemble ses beaux textes. …
De "Jolie môme à Il n'y a plus rien" ou "Et basta !", Léo Ferré a bouleversé tous les canons de la chanson française, se remettant sans cesse en question. Adepte du contre-pied, il n'a jamais cessé de surprendre son public.
Écrit sur un mode personnel, ce livre revient sur celui qui marqua plusieurs générations par son engagement et ses chansons. Ce livre apporte un éclairage original sur le XXe siècle à travers le parcours atypique de l'artiste. …